L'émancipation dans l'histoire : une nouvelle livraison de Manière de voir
J'en ai commencé la lecture, fort stimulante comme c'est toujours le cas avec cette collection Manière de voir dont l'approche pédagogique et documentaire s'adresse autant à des étudiants et à des enseignants qu'à des militants.
Entre révolutions et indépendances, ce numéro entrecoupé de poèmes d'Eugène Pottier, Nazim Hikmet, Aimé Césaire, Bertold Brecht ou encore Paul Eluard fait la part belle aux luttes et aux espoirs qu'elles font naître.
Je reproduis ci-dessous le plan du numéro, tiré du site internet du Monde Diplomatique :
I. Mouvements d’idées :
Depuis que l’homme peuple cette Terre, un rêve de liberté le porte, de génération en génération. Cet espoir fou le pousse à résister à toute forme de domination. Une volonté d’émancipation qui a mobilisé des esclaves comme des serfs, le Tiers-Etat comme les prolétaires modernes.
A chaque période, il s’est trouvé des intellectuels pour accompagner ces luttes et leur offrir un fondement philosophique. Cette élaboration a convergé au XVIIIe siècle pour donner les Lumières, dont l’héritage marie raison et liberté.
Ces idées humanistes serviront de terreau à la Révolution française, qui les diffusera à travers l’Europe. Elles se réincarneront dans la seconde Révolution française : la Commune de Paris. Elles inspireront aussi les auteurs de la loi de 1905, qui organisera la laïcité de la République. Elles trouveront enfin leur pendant oriental dans la « nahda », la renaissance arabe.
De toutes les formes d’exploitation de l’homme par l’homme, la pire réside sans doute dans l’asservissement. Plus de vingt siècles après la révolte conduite par Spartacus, le monde compte encore des esclaves. Entre-temps, les trois traites — intra-africaine, arabe et coloniale — qui décimèrent l’Afrique firent des millions de victimes...
Jacques Bouveresse
Le libéralisme égalitaire des Jacobins
Jean-Pierre Gross
Vaincue, la Commune est devenue un symbole
Georges Haupt
Etapes et conséquences des traites négrières
Marcel Dorigny
Un siècle plus tard, la laïcité fait encore débat
Alain Gresh
Nahda, la renaissance arabe
Anne-Laure Dupont
II. Libérations :
Au fil du XXe siècle, le combat pour l’émancipation s’est incarné dans de belles pages d’histoire.
Avec la révolution d’octobre 1917 commence une aventure inachevée : celle du « socialisme réel », porteuse d’acquis populaires, mais aussi d’échecs, parfois sanglants, et d’abord en matière de libertés.
Répétition du second conflit mondial, la guerre d’Espagne (1936-1939) a mobilisé les Européens antifascistes — pas assez toutefois pour vaincre les troupes franquistes appuyées par Hitler et Mussolini.
En France aussi, le Front populaire l’avait emporté en 1936 : il restera dans les mémoires pour les conquêtes de la grève, des 40 heures aux congés payés.
Actrice majeure de cette épopée, la classe ouvrière jouera un rôle central dans la Résistance et la Libération, où Français et étrangers se mêleront.
Avec la victoire des partisans de Tito (1945), un autre modèle de socialisme s’impose : l’autogestion, anticapitaliste et antistalinienne.
Mais la victoire sur le nazisme donnera le signal d’une émancipation plus décisive encore, celle des peuples du tiers-monde.
Moshe Lewin
Des romans contre l’oubli de la guerre d’Espagne
Anne Mathieu
1936, le Front populaire de l’espoir à l’échec
René Bayssière
La révolution yougoslave et l’autogestion
Catherine Samary
Ces Espagnols qui ont libéré Paris
Denis Fernandez Recatala
Regards sur l’histoire coloniale en Inde
Partha Chatterjee
III. Espoirs d’après-guerre :
La défaite des puissances de l’Axe a profondément modifié la carte du monde. Ces bouleversements vont, malgré la guerre froide, créer les conditions d’avancées sans précédent de l’émancipation humaine au cours des décennies qui suivent, en commençant par le Sud.
Avec la conférence de Bandung (1955), les « non-alignés » font entendre leur voix contre la domination coloniale, et face aux deux blocs. Certains peuples obtiendront pacifiquement leur indépendance, d’autres devront se battre pour l’arracher.
L’exemple des Algériens, victorieux après huit années d’un terrible conflit (1954-1962), rayonnera d’un bout à l’autre du tiers-monde. Dans le monde arabo-musulman, la Nakba palestinienne (1948) et la révolution égyptienne (1952) ont stimulé un puissant mouvement national. A son tour, la révolution cubaine (1959) déclenche un élan libérateur, qu’Ernesto Che Guevara tente d’étendre en Amérique latine. Comme en écho, Salvador Allende invente, avec l’Unité populaire, de 1971 à 1973, le socialisme à la chilienne, qu’écrasera le putsch de Pinochet. Le Vietnam, lui, l’emporte définitivement (1975), après plus de dix ans de guerre américaine.
Mais l’émancipation s’appelle aussi Mai 68, pour le mouvement ouvrier et celui de la jeunesse, Vatican II, pour l’Eglise catholique, et féminisme, pour la moitié de l’humanité...
Jean Lacouture
Des « traîtres » qui sauvèrent l’honneur...
D.V.
Controverses autour du bilan du nassérisme
Kamel Labidi
Ainsi était le « Che »
Ahmed Ben Bella
Vatican II, tournant pour l’Eglise
Michel Cool
Mai 68 au miroir du cinéma
Jean-Louis Comolli
Quang Tri ou la dynamique de la victoire
Gabriel Kolko
« Une midinette aux ongles laqués »
Sylvie Tissot
Le rêve brisé de Salvador Allende
Tomás Moulian