L'amiral Canaris, le maître espion de Hitler
J'ai achevé ce soir la biographie de l’amiral Canaris que j'avais commandée sur Amazon la semaine dernière et que j'avais reçue hier. Pas très longue, cette biographie du chef des services de renseignement allemand durant la seconde guerre mondiale se lit comme un roman d'espionnage.
Le livre, paru aux éditions Perrin au prix de 21 € est écrit par Eric Kerjean, historien qui a fait son master recherche à l'université de Bretagne occidentale lit-on dans l'article du Télégramme de Brest.
La biographie d'Eric Kerjean offre en tout cas une vision renouvelée du chef de l'Abwehr.
L'amiral Canaris a été souvent présenté comme un acteur de la résistance allemande à Hitler, aux côtés d'un Stauffenberg. Après l'attentat du 20 juillet 1944, Canaris sera d'ailleurs arrêté et exécuté le 9 avril 1945. L'amiral aurait sauvé des Juifs et serait considéré comme un juste.
En réalité, pour Eric Kerjean, Canaris est d'abord un nationaliste. Anticommuniste (il fait partie des assassins de Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg), proche des corps francs, il est ici décrit comme un national-socialiste convaincu, très proche de Reinhard Heydrich qu'il a pris sous son aile à partir de 1923. Les familles Canaris et Heydrich habitaient dans la même rue et se fréquentaient, une amitié entre le chef de l'Abwehr et le chef du SD qui durera jusqu’à la mort de ce dernier et qui explique peut-être aussi l'ascension de Canaris après la prise du pouvoir par les nazis.
Loin de combattre le régime nazi, Canaris a engagé l'Abwehr dans le système répressif nazi, notamment en Russie où les agents de l'Abwehr participent aux actions d'extermination des Einsatzgruppen.
Plusieurs passages du livre d'Eric Kerjean lèvent le voile sur des événements inexpliqués de la seconde guerre mondiale. Ainsi, Eric Kerjean émet l'hypothèse, crédible à la lecture de son livre, que Canaris est le principal responsable de l'échec de la tentative d’attentat à la bombe contre Hitler à Smolensk le 13 mars 1943. Les passages consacrés à l'évasion du général Giraud sont tout aussi intéressants et montrent bien la duplicité du chef de l'Abwehr, qui se vante devant ses collaborateurs de s'être opposé à un ordre d'assassinat de Giraud donné par Keitel qui était totalement imaginaire. Une manière d'entretenir à bon compte le mythe de son opposition aux nazis. En fait, à partir de 1938, l'amiral Canaris est parvenu à faire croire qu'il soutenait la résistance nationale-conservatrice allemande pour mieux, en réalité, connaître ses intentions et intoxiquer les Alliés.
Ainsi, Canaris, qui connaissait tous les opposants à Hitler qui ont tenté de négocier une paix séparée avec les Alliés, jouait en fait un triple jeu. Loin de trahir Hitler, il pouvait mesurer la faisabilité d'une paix séparée tout en ruinant la crédibilité des démarches de l'opposition, les services secrets alliés le soupçonnant très fortement de travailler pour Hitler.
On apprend dans le livre d'Eric Kerjean qu'Himmler était manifestement au courant des relations de Canaris avec l'opposition conservatrice. Les différents rapports qui ont mis en cause le chef de l'Abwehr ont été enterrés juqu'en 1944. Et pour cause... Canaris, d'après l'auteur, servait le Reich en se faisant passer pour un opposant.
Après le 20 juillet 1944, le régime nazi se durcit et l'Etat allemand devient un Etat-SS. Arrêté, Canaris est exécuté le même jour que son adjoint Oster, qui lui, avait vraiment résisté.
Avec cette biographie de l'amiral Canaris qui prend le contrepied de tout ce qu'on a pu écrire sur lui, c'est un des acteurs majeurs du régime nazi qui chute de son piédestal. Le livre fera certainement réagir. Il paraît en tout cas très convaincant.