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Présentation

Professeur d'histoire-géographie depuis la rentrée 2004, j'enseigne depuis 2008 dans un collège du Pas-de-Calais, je suis chargé d'enseignement en histoire contemporaine à l'université de Lille et membre affilié de l'IRHiS.

Docteur en histoire contemporaine de l'Université de Bourgogne, je suis membre du bureau de la régionale Nord-Pas-de-Calais de l'Association des Professeurs d'Histoire et de Géographie et membre du Conseil d'administration d'Historiennes et historiens du contemporain (H2C). Je suis également membre de la Société française d'histoire politique.

Je suis aussi membre de la Commission exécutive de la CGT Educ'action du Pas-de-Calais, du Secrétariat de rédaction de la revue La Pensée ainsi que du comité de rédaction du Patriote Résistant.

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Publié par David Noël

Formidable documentaire que La Bible dévoilée, la série documentaire réalisée par Thierry Ragobert et écrite par Isy Morgensztern et Thierry Ragobert à partir de l'ouvrage de l'archéologue Israël Finkelstein et de l'historien et archéologue Neil Asher Silberman.

En regardant une nouvelle fois les quatre épisodes, durant les vacances de Toussaint, je me suis remémoré les cours sur "Les Hébreux, le peuple de la Bible" que j'avais faits en classe de sixième, il y a deux ans.  Même si j'avais intégré dans mes cours quelques éléments de cette série, en les relisant après coup, je me rends compte à quel point mes cours étaient superficiels au niveau du contenu. 

Par curiosité, j'ai jeté un coup d'oeil au manuel d'histoire-géo que mes élèves ont cette année et que je citerai pas pour ne pas leur faire de publicité. C'est la catastrophe : rien n'y manque, depuis le voyage d'Abraham jusqu'au trajet de l'Exode.

Pour se faire une idée juste des raisons qui ont conduit les Israélites à rédiger la Bible, il faut regarder La Bible dévoilée. L'enquête est véritablement passionnante.

Synthèse des travaux scientifiques sur l'archéologie de la période biblique, au proche-orient, entre les années 1970 et les années 2000, La Bible dévoilée nous entraîne sur les ruines de Meggido, forteresse où aura lieu la bataille finale, l'Armageddon biblique.

A l'aide de méthodes de datation de plus en plus précises, les archéologues ont remis en question l'historicité d'une grand part des récits bibliques, notamment sur l'origine des anciens Israëlites, l'Exode et la conquête de Canaan, ainsi que sur les royaumes unifiés de David et Salomon.

Si aucun archéologue ne nie que nombre de légendes, de personnages et de fragments de récits de la Bible remontent fort loin dans le temps, il reste que la rédaction de la Bible s'est faite dans les circonstances politiques, sociales et spirituelles d'un État pleinement constitué, avec une alphabétisation répandue, à l'apogée du royaume de Juda, à l'âge du Fer récent, à l'époque du roi Josias.

Josias est selon la Bible le successeur d'Amon et le 16ème roi de Juda de - 640 à - 609, année où il est vaincu et mortellement blessé à la bataille de Megiddo contre le pharaon Nékao II.

A une époque où la puissance assyrienne est ébranlée sous les assauts babyloniens, Josias veut profiter de l'occasion pour reconstruire un royaume de Juda indépendant. L'arrivée de réfugiés venus du royaume d'Israël, détruit sous les coups des Assyriens, coïncide avec l'extension de Jérusalem. Mais pour souder son peuple, Josias avait besoin d'un Dieu unique et d'une histoire nationale unifiante. C'est dans ce contexte que le roi Josias aurait  « découvert » dans le temple de Jérusalem une copie du livre de la Loi. Certains savants considèrent que ce livre est la Torah (c'est à dire les 5 livres du Pentateuque), d'autres de plus en plus nombreux militent pour le seul Deutéronome (le dernier livre du Pentateuque).

Josias fait de ce livre la base de la réforme de la religion juive et de l'éradication du culte des idoles, des « hauts lieux » (semble-t-il des sanctuaires installés sur des hauteurs) et de divinités entourant Yahvé.

Contrairement à ce qu'on croit, le polythéisme israélite est en effet bien attesté avant Josias. Les inscriptions datant du VIIIe siècle avant Jésus-Christ, trouvée sur le site de Kuntillet Ajrud, dans le nord-est du Sinaï font apparemment référence à la déesse Asherah comme étant l'épouse de Yahvé. On trouve aussi la mention « YHWH et son Ashera » sur une inscription datant de la monarchie tardive (vers - 600) dans la région de la Shefelah (royaume de Juda).

La Bible présente Josias comme luttant contre ces cultes : il « ordonna […] de retirer du sanctuaire de Yahvé tous les objets de culte qui avaient été faits pour Baal, pour Ashera et pour toute l'armée du ciel […]. Il supprima les faux prêtres que les rois de Juda avaient installés et qui sacrifiaient […] à Baal, au soleil, à la lune, aux constellations et à toute l'armée du ciel. […] Il démolit la demeure des prostituées sacrées, qui était dans le temple de Yahvé […]»

Cette réforme religieuse est présentée par la Bible comme un retour au monothéisme originel partiellement oublié par les Israélites.

A l'inverse, bon nombre d'historiens considèrent Josias comme le véritable créateur du monothéisme hébraïque moderne, ayant imposé une vision de Yahvé comme dieu unique et non plus seulement comme dieu suprême des Israélites. Josias n'est évidemment pas le créateur de cette vision - qui se dessine dans les sources plus anciennes dites du Yahviste et dans l'Elohiste de l'hypothèse documentaire - mais il en devient, pour des raisons politiques et idéologiques, le porte-parole. Son ambition échouera aux pieds des murs de Megiddo où son armée est vaincue en - 609 par les troupes égyptiennes.

Les thèses avancées dans La Bible dévoilée ont provoqué la colère des milieux religieux ultra-orthodoxes israéliens qui y ont vu une remise en cause de leurs croyances et de leur histoire nationale. Elles nous permettent pourtant de mieux comprendre les rédacteurs de la Bible et de ressentir une forme de proximité avec eux, ce que le mythe ne permet pas.

Sans choquer les élèves croyants et en continuant des les émerveiller avec les récits légendaires qui font partie de notre culture commune, il faut maintenant relever un autre défi : intégrer ces acquis de la recherche archéologique dans les cours de sixième, et tant pis pour les éditeurs s'ils continuent de représenter le voyage d'Abraham et l'itinéraire de l'Exode ! 
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