La naissance du Parti Communiste au programme du dernier numéro de l'Histoire
Plusieurs ouvrages reviennent ces jours-ci sur la naissance du Parti Communiste, au congrès de Tours, en décembre 1920, dont on fête le 90ème anniversaire.
Il y a deux semaines, j'ai acheté le livre qui me paraissait le plus intéressant, "Camarades ! La naissance du Parti Communiste en France", de Romain Ducoulombier, dont je ferai un compte-rendu de lecture sur mon blog quand je l'aurai achevé. A côté, sur l'étal de Cultura, il y avait le dernier bouquin de Stéphane Courtois, qui paraissait beaucoup plus polémique et dont je me suis méfié.
Le dernier numéro du magazine l'Histoire, que je viens d'acheter, consacre son éditorial et son dossier à cet événement et leur donne la parole : Romain Ducoulombier signe un article sur le "big bang" du Congrès de Tours et Stéphane Courtois sur "le tour de vis bolchevique".
Parmi les autres auteurs, on retrouve Marc Lazar, qui signe la préface de l'ouvrage de Romain Ducoulombier et Annette Wieviorka, qui a sorti récemment "Maurice et Jeannette", une biographie du couple Thorez que j'ai achetée cet été.
Le moins que l'on puisse dire est que le dossier de l'Histoire est un dossier à charge. Romain Ducoulombier montre pourtant dans son article que la naissance du PCF au congrès de Tours s'inscrit dans un contexte bien particulier : dès avant 1914, une partie de la SFIO veut régénérer le parti socialiste. Marquée par l'expérience de la guerre, le refus du ministérialisme et de l'union sacrée, une nouvelle génération arrive aux commandes de la SFIO et s'enthousiasme pour le bolchevisme. Si Romain Ducoulombier revient bien dans son article (et surtout dans son livre) sur les aspirations et les espoirs de cette nouvelle génération militante, mais aussi sur les malentendus engendrés par le bolchevisme, le reste du dossier est uniquement à charge : aveuglement des "pélerins de Moscou", Cachin et Frossard, tour de vis bolchevique...
J'ai de grosses réserves sur l'article final de Marc Lazar, "une passion non éteinte" et sur l'éditorial du magazine, "Faisons un rêve". La rédaction de l'Histoire rêve d'une France où il n'y aurait pas eu de PCF, mais un grand parti social-démocrate à la suédoise qui assumerait son réformisme, mais "on ne refait pas l'histoire" convient tout de même le magazine. Certes. L'Histoire est en droit de préférer les partis sociaux-démocrates aux partis communistes, mais passe un peu vite sur les grands mouvements populaires de 1936 et de mai 1968 qui ont vu des millions de grévistes - et parmi eux, les communistes étaient nombreux - occuper les usines et obtenir des conquêtes sociales. Dans la même situation, qu'aurait fait un parti social-démocrate ? Avec ce type d'analyse, on quitte le champ de l'histoire et de ses interrogations (Qui étaient les militants présents au congrès de Tours ? Que voulaient-ils ? Que savaient-ils du bolchevisme ?) pour entrer dans le champ de l'opinion politique, mais ce n'est pas la première fois que l'Histoire nous fait le coup...