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Présentation

Professeur d'histoire-géographie depuis la rentrée 2004, j'enseigne depuis 2008 dans un collège du Pas-de-Calais, je suis chargé d'enseignement en histoire contemporaine à l'université de Lille et membre affilié de l'IRHiS.

Docteur en histoire contemporaine de l'Université de Bourgogne, je suis membre du bureau de la régionale Nord-Pas-de-Calais de l'Association des Professeurs d'Histoire et de Géographie et membre du Conseil d'administration d'Historiennes et historiens du contemporain (H2C). Je suis également membre de la Société française d'histoire politique.

Je suis aussi membre de la Commission exécutive de la CGT Educ'action du Pas-de-Calais, du Secrétariat de rédaction de la revue La Pensée ainsi que du comité de rédaction du Patriote Résistant.

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Publié par David NOËL

Eric von MansteinJe viens d'achever la lecture de la biographie d'Erich von Manstein par Benoît Lemay, spécialiste d'histoire militaire et auteur également d'une biographie de Rommel. Sa biographie d'Erich von Manstein est parue aux éditions Perrin en février 2006 et vient d'être rééditée en édition de poche dans la collection Tempus en avril 2010, au prix de 12 €.

Erich von Manstein a la réputation d'être le plus grand général allemand de la Seconde Guerre Mondiale. Né en 1887, Erich von Manstein est issu d’une famille de la noblesse prussienne comme tous ses collègues ou presque. A l'âge de 13 ans,  il entre dans le corps royal prussien des cadets. Il entre à l'école de guerre de Berlin en 1913 pour y suivre une formation d'officier d'état-major interrompue par le déclenchement de la Première guerre mondiale.

Grièvement blessé de deux balles de fusil en Pologne en novembre 1914, il reprend du service dès la fin du printemps 1915 comme officier d'état-major dans différentes armées où, sans avoir les diplômes requis il s’impose par la puissance de son intelligence.

Comme la plupart de ses collègues, von Manstein attribuait la défaite de 1918 au "coup de poignard dans la dos". Il détestait la république de Weimar, ce régime né de la défaite, mais il est un des rares officiers à demeurer dans la nouvelle armée allemande, la Reichswehr. Par légalisme, il ne prend pas part au putsch de Kapp ni au putsch de la brasserie comme, des années plus tard, il refusera de prendre part au complot contre Hitler. Nommé major en 1927, il entre à l'état-major général de la Reichswehr en 1929 où il organise des Kriegsspiele. Son talent lui vaut jalousies et inimitiés comme celle de Wilhelm Keitel, futur chef de l'état-major général de la Wehrmacht de 1938 à 1945.

Benoît Lemay rappelle que c'est bien la République de Weimar qui a préparé le réarmement allemand. Dès 1923, dix ans avant l'arrivée au pouvoir d'Hitler, les généraux de l'état-major de la Reichswehr anticipent sur une future guerre européenne, élaborent des plans de mobilisation de l'armée et des plans d'attaque contre la Pologne et la France.

L'arrivée au pouvoir d'Hitler leur donne les moyens de mettre en application le réarmement qu'ils avaient préparé, une fois qu'Hitler a éliminé les SA qui ambitionnaient de former l'armée politique de la future Allemagne nationale-socialiste. Contre les rêves de Röhm et des siens, Hitler a besoin d'une armée professionnelle et donne des gages à la Wehrmacht, qui devient un des piliers du régime nazi.

Devenu général à l’état-major de l’armée allemande, en 1936, Erich von Manstein joue désormais dans la cour des grands. La rapidité de sa promotion est fulgurante. On fait parfois appel à lui pour des situations délicates, c’est ainsi qu’il improvise en quelques heures le plan d’invasion de l’Autriche en 1938. Tous les projets d’agression de Hitler rencontrent l’adhésion enthousiaste de ses généraux, quoiqu’ils en aient dit après la guerre.

La campagne de Pologne et la campagne de France

A l'état-major du général von Rundstedt, von Manstein est l'initateur du Plan Blanc, le plan d'invasion de la Pologne. Il joue un rôle tout à fait déterminant dans la campagne de France. Lorsqu'il prend connaissance du Plan Jaune élaboré par l'état-major de la Wehrmacht, Von Manstein critique ce qu'il considère comme une réédition du plan Schlieffen et soumet un plan alternatif qui consiste en une percée des unités blindées et motorisées, appuyées par l'aviation, dans les Ardennes afin d'envelopper les forces alliées aventurées en Belgique. Von Manstein ne vise pas un succès partiel et une victoire opérationnelle, mais un succès stratégique qui amènerait la capitulation de l'ennemi et la fin de la guerre. A l'issue d'une rencontre avec Hitler, von Manstein parvient à faire adopter son plan par l'OKH.

Sur le terrain, à la tête du 38ème corps d'armée, von Manstein fonce vers la Manche, mais les atermoiements de l'état-major et de Hitler et le miracle de Dunkerque limitent la victoire décisive escomptée par le général Von Manstein.

Von Manstein en Russie

Pressenti pour diriger l'Afrika Korps, Von Manstein est envoyé sur le front de l'Est. A l'état-major, Brauchitsch et Halder lui ont préféré Rommel, qu'ils jugeaient plus docile. En juin 1941, von Manstein est donc à la tête du 56ème corps blindé de Panzer, intégré au groupe d'armées Nord du maréchal von Leeb. Il est ensuite nommé à la tête de la 11ème armée et envoyé en Crimée. Benoît Lemay décrit avec précision la campagne de Crimée qui aboutit à la prise de la forteresse de Sébastopol, la forteresse la plus puissante du monde. A l'issue de cette victoire contre un ennemi supérieur en nombre, Von Manstein est nommé maréchal, le couronnement de sa carrière militaire.

L’auteur consacre un chapitre à la guerre génocidaire de la Wehrmacht en Russie en général et un autre chapitre à la guerre génocidaire en Crimée sur le terrain d'opération de l'armée du général von Manstein. Benoît Lemay montre bien qu'Hitler n'avait pas le monopole du mépris des Russes et de la haine anticommuniste, des sentiments partagés par tous les généraux allemands et qui les ont conduit à collaborer aux massacres des Einsatzgruppen car les groupes mobiles de tuerie de la SS n'opéraient qu'avec le soutien logistique de l'armée.

Lors de son procès en 1949, von Manstein a nié avoir eu connaissance des activités des Einsatzgruppen, prétendant contre toute évidence avoir mené une guerre propre, fidèle en cela à la tradition chevaleresque prussienne. En réalité, Von Manstein a signé des ordres sur l'exécution des commissaires politiques, a reçu les rapports de ses régiments envoyés effectuer des opérations de répression aux côtés des SS. En tout, l'Einsatzgruppe D aurait massacré près de 92 000 personnes en Crimée, dont 33 000 alors que Von Manstein commandait la 11ème armée.

En 1942, von Manstein est chargé de délivrer la 6ème Armée de Paulus enfermée à Stalingrad. Malgré l'échec de l'opération, von Manstein parvient à éviter que toute l'aile sud du dispositif allemand soit encerclée et contre-attaque dans la région de Kharkov en février-mars 1943.

Il participe ensuite à l'opération Citadelle, la célèbre bataille de Koursk connue comme la plus grande bataille de blindés de l’Histoire en juillet 1943. Convaincu que la guerre ne peut plus être gagnée en Russie, le général Von Manstein pense qu'une victoire contre les Russes peut déboucher sur une paix de compromis à l'Est permettant à l'Allemagne de se retourner vers les Anglo-Américains qui veulent une capitulation sans condition.

Il critique régulièrement l'ingérence d'Hitler qu'il considère comme un incompétent. Refusant toute idée de recul, Hitler condamnait les armées allemandes à se faire encercler par des forces soviétiques très supérieures là où Von Manstein exigeait d'avoir une liberté de manoeuvre afin de pouvoir mener des contre-attaques décisives.

Fort de ses succès opérationnels en Russie et de son immense popularité dans l'armée allemande, von Manstein rêvait d'être nommé commandant en chef de l'armée allemande à la place de Brauchitsch ou chef d'état-major en remplacement de Franz Halder, limogé en 1942.

Fin de carrière



Après l'échec de la bataille de Koursk, von Manstein, organise la retraite allemande. Hitler repousse ses offres de service et le met finalement en disponibilité en mars 1944.

Mis au courant d'une action contre Hitler, von Manstein a fait savoir aux conjurés qu'il les désapprouvait, mais ne les a pas dénoncés. Jusqu'à la fin de la guerre, il est persuadé avec beaucoup de naïveté qu'Hitler fera appel à lui pour sauver la situation.

Arrêté après 1945, il est jugé à Hambourg en 1949. Il nie toute responsabilité dans les massacres et la participation au génocide, mais est condamné pour crimes de guerre à 18 ans de prison. Il est libéré pour raisons de santé dès 1953. Dans le contexte de la guerre froide, l'Allemagne de l'Ouest est une des pièces essentielles de l'OTAN et von Manstein participe à la reconstitution de l'armée allemande. Son livre Victoires perdues, paru en 1955, est un des principaux documents à l'origine du mythe d'une "Wehrmacht propre", un mythe qui arrangeait alors bien du monde.

Erich von Manstein est décédé le 9 juin 1973 en Bavière et enterré avec les honneurs.

Biographie critique d'un général allemand de premier plan, le livre de Benoît Lemay n'intéressera pas seulement les amateurs d'histoire militaire. C'est aussi un éclairage utile sur l'action de la Wehrmacht qui met en pièces le mythe d'une "Wehrmacht propre". L'armée allemande, dirigée par des généraux qui partagaient l'essentiel de l'idéologie nazie, a largement pris part à la guerre génocidaire, quoi qu'elle ait pu dire pour rejeter la faute sur Hitler ou sur les SS. Erich von Manstein, brillant général, mais piètre politique, naïf et carriériste en est l'illustration, lui qui a fermé les yeux sur des actes qui allaient à l'encontre des valeurs chevaleresques qu'il prônait pour accéder aux grandes responsabilités qu'il convoitait. 

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M
<br /> Bonjour David,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Je viens de terminer le même ouvrage.<br /> <br /> <br /> La réfutation de la thèse classique selon laquelle la Wehrmacht était exempte de tout reproche peut être un but en soi. Toutefois on a l'impression que l'auteur a vraiment un compte à régler avec<br /> Manstein. <br /> <br /> <br /> Je m'attendais à une description des faits d'arme sur le théâtre de l'OKH et je me retrouve avec une étude critique dont l'ambition est de descendre un mythe nécessaire pendant le rideau de fer<br /> et la reconstruction.<br /> <br /> <br /> J'aimerais savoir ce que vous en pensez ? Est-ce vous considérez cela comme un biais dans l'étude, ou bien une thèse valable ?<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Michel (de Bruxelles.)<br />
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