A Lille, pas de quotas, mais une formation des boursiers aux concours des grandes écoles
Pour arriver à augmenter leur nombre d'élèves boursiers, les grandes écoles ont deux solutions : organiser un concours bis pour les élèves d'origine modeste - option choisie par Richard Descoings à Science Po-Paris depuis 2001 - ou former les moins favorisés afin de leur donner toutes leurs chances au concours standard. L'institut d'étude politique de Lille a privilégié cette seconde solution.
Depuis trois ans, l'IEP de Lille organise une formation pour les lycéens d'origine modeste, qui n'ont pas les mêmes ressources, tant financières que culturelles, que les candidats « classiques ». Son nom : IEPEI, pour Programme d'études intégrées de l'IEP. La formation se fait à distance, via une plateforme Internet qui propose une aide méthodologique, des revues de presse et des cours en ligne. On y travaille l'histoire, les langues étrangères mais aussi les « questions contemporaines », une matière du concours qui n'est pas enseignée au lycée. Pour encadrer le tout, les élèves bénéficient aussi de quelques cours et d'un concours blanc dans les locaux de l'IEP. Ils sont aidés, dans leur lycée respectif, par un professeur « référent ».
Résultat : l'année dernière, 30% des élèves ont réussi à intégrer un IEP. Parmi les 400 élèves formés par Science Po-Lille, ils sont une dizaine à avoir suivi le programme dès la seconde, 160 en première et 200 en terminale. 75 % des élèves sont boursiers, mais tous connaissent des situations sociales difficiles. C'est la première condition pour être admis dans le programme. L'IEP se base aussi sur le niveau scolaire de l'élève et les appréciations de ses professeurs. Seule la moitié des demandes sont acceptées.
Pour financer ce programme - qui doit nécessairement être accessible - Science Po-Lille demande aux élèves une contribution « symbolique » de 15 euros. Le reste est financé par des partenaires privés (BNP Paribas, Randstad, L'Oréal et la SNCF), le conseil régional et l'Education nationale, avec laquelle une convention sera signée le 19 janvier.
Fort de son succès, l'IEPEI a été élargi depuis un an et demi à cinq autres IEP (Aix-en-Provence, Lyon, Rennes, Strasbourg et Toulouse), dont le concours est commun à celui de Lille. La plateforme Internet est nationale mais la mise en oeuvre de la formation est régionalisée par chaque école. Le programme concerne aujourd'hui 1 200 élèves sur toute la France, de la seconde à la terminale, 151 lycées et 34 départements.
Comparé à un concours bis, cette solution offre aux candidats une meilleure formation, en amont du concours. Des connaissances qui resteront acquises, quel que soit ensuite le parcours de l'élève. « Ils partent ensuite mieux armés dans le supérieur », estime Xavier de Glowczewski, en charge des politiques de démocratisation à Science Po-Lille. « Via cette formation, un élève qui est fragilisé du point de vue social va se projeter dans les études supérieures, et va, par exemple, postuler à une classe prépa, alors qu'il ne l'aurait pas fait normalement. » Outres les reçus au concours, 50 % de ces élèves intègrent ainsi une classe préparatoire aux grandes écoles. Avec, pourquoi pas, la possibilité de repasser le concours par la suite. Avec son travail de fond sur l'année, l'IEPEI a l'avantage de décomplexer des lycéens qui pensent que les grandes écoles ne sont pas faites pour eux.
Pour Xavier de Glowczewski, « miser sur la formation est la solution la plus longue, et qui apparaît au départ comme la plus ingrate. Mais sur le long terme c'est celle qui paye le mieux. » L'idée de ce programme n'est, cependant, pas non plus d'invalider l'expérience de Science Po-Paris. « C'est aussi une solution. Plusieurs voies permettent de diversifier le recrutement des grandes écoles. Plutôt que de se concurrencer, il faut que l'on s'inspire les uns des autres. Notre expérience nous permet de dire qu'il y a d'autres solutions que les quotas, et que cela marche ».
Par Marie Kirschen