Les poèmes de L...... et P...
Refus de S.... :
- On va voir nos noms ? Ah, non Monsieur, c'est pas la peine, on préfère pas. Déjà qu'on écrit des poèmes sur moi, alors...
- Ah, bon, on écrit des poèmes sur toi ?
- Ben oui, Monsieur, c'est P..., il m'a écrit un poème, mais moi, je veux pas sortir avec lui ! Vous voulez le lire ?
Joignant le geste à la parole, S.... sort de son cartable une feuille de cahier, rangée dans une pochette plastique. C'était un poème de P..., illustré par une grande fleur. Les premiers vers commençaient par : "S...., tu es belle comme une hirondelle..."
Alors que je commençais à lire le poème, S.... me lance :
- Gardez-le, Monsieur, vous le lirez chez vous sinon, on va louper notre bus !
- Euh... merci !
Hier matin, à la fin de l'heure, j'ai donc rendu discrètement le poème à S.... en évitant que P... s'en aperçoive, mais en fait, un peu plus tard, j'apprenais par Mme B......, la prof de français que P... et son copain L...... lui avaient montré leurs oeuvres et avaient même conçu un cahier de poésies. Mme B...... était morte de rire : il faut dire que le poème de P... dédié à S.... voisinait avec un poème de L...... dédié aux recettes de sa mère, dont une fameuse recette de couscous !
Cette après-midi, donc, c'était l'heure de vie de classe, l'occasion de parler des petits problèmes de cour de récréation, des araignées dans les vestiaires des salles de sport et des élections des délégués. J'ai demandé à chacun des quatre groupes de candidats d'aller au tableau par deux et de nous convaincre de voter pour eux. Comme le premier groupe hésitait, je me suis montré plus directif avec les autres groupes et je les ai questionnés : "C'est quoi, pour vous, un bon délégué ? Pourquoi il faudrait voter pour vous ?"
Une fois qu'ils avaient fini de parler, je laissais les autres élèves leur poser des questions. Quand il n'y avait plus de questions, je clôturais :
- Une dernière question ? Non ? Une dernière chose à ajouter ? Non ? Très bien, vous pouvez aller vous asseoir.
Alors que C.... et S.... étaient au tableau, L...... (qui est également candidat) est intervenu :
- On a toujours pas eu les pizzas que tu nous avais promises l'année dernière si on votait pour toi, S.... !
J'étais mort de rire ! S.... avait acheté les électeurs !
C'était au tour de L...... et de P... :
- Si vous votez pour nous, on fait des photocopies du cahier de poèmes pour toute la classe !
Eclat de rire général dans la classe. Le dernier groupe passe enfin au tableau et je regarde ma montre. Il était 17h03. Les élèves commençaient déjà à ranger leurs affaires. Comme il y avait eu pas mal de bruits et d'applaudissements, je me demandais si ça n'avait pas déjà sonné. J'ouvre la porte du couloir, mais non, il restait encore deux minutes avant la sonnerie. Dans la classe de Mlle D. ......., les élèves étaient sagement en train de travailler.
Par contre, mes élèves étaient déjà prêts à sortir. Je leur demande de rester sages encore deux minutes.
- Moi, j'ai quand même une dernière question, ça me trotte dans la tête depuis tout à l'heure... Mais c'est quoi, ce cahier de poèmes ?
Toute la classe a éclaté de rire. Mlle D. ....... a dû me prendre pour un fou, elle a fermé la porte de sa salle de classe (il faudra que je lui explique, demain !). P... et L...... ont sorti leur cahier de poèmes et me l'ont montré. Ils avaient tapé les poèmes à l'ordinateur avant de les coller dans un cahier petit format. La sonnerie a retenti et tous les élèves ont quitté la salle.
Moi, j'étais écroulé de rire : mes élèves sont des poètes !