Histoires de famille : Ma famille dans l'exode
Il y a quelques jours, dans mon cours de troisième sur la Seconde Guerre mondiale, j'évoquais avec mes élèves les grandes phases de la guerre, l'attaque allemande à l'Ouest, le "miracle" de Dunkerque et l'exode sur les routes de France.
Ma propre famille a vécu l'exode et ma grand-tante en a gardé des souvenirs très précis...
Au printemps 1940, mon arrière-grand-père Victor Deroeux, dont j'ai retrouvé le dossier militaire aux archives départementales et mon arrière-grand-mère Marie tenaient une ferme dans le "vieux Hénin". Face à l'avance allemande, mes arrière-grands-parents maternels ont mis tout ce qu'ils possédaient dans deux charrettes, tirées par leurs deux chevaux et sont partis sur les routes de l'exode avec leurs enfants : ma grand-mère, Marie-Louise, mes grands-tantes Denise et Marie-Thérèse, mes grands-oncles Jean et Victor, mais aussi avec l'un de leurs oncles et avec leurs deux chiens.
La veille de leur départ, alors que plusieurs familles héninoises étaient déjà parties et que la porte de leur salon n'était pas fermée à clé, mes arrière-grands-parents ont entendu le bruit d'une porte qui s'ouvrait : c'était une famille du voisinage, qui habitait à cinquante mètres de chez eux, qui était venue pour tenter de les cambrioler...
- Ah, vous n'êtes pas encore partis ?
- Non, nous nous en allons demain...
- Ah excusez-nous...
A leur retour de l'exode, leur maison avait été cambriolée...
Pour mes arrière-grands-parents, ma grand-mère et ses frères et sœurs, l'exode s'est arrêté du côte de Ligny-Saint-Flochel, petit village situé près de Saint-Pol-sur Ternoise où les Allemands étaient déjà là.
Avec d'autres réfugiés, la famille a été hébergée par la comtesse de Forceville dans les écuries du château de Ligny où ils ont pu dormir sur de la paille. Malade, mon arrière-grand-père souffrait d'une congestion pulmonaire. Dans le parc du château, les Allemands avaient installé leur cantine roulante et c'est un médecin-major allemand qui a soigné mon arrière-grand-père. Ma grand-tante se souvient qu'il parlait parfaitement français et qu'il s'était montré très secourable.
- Les Allemands n'étaient pas tous mauvais. C'était des hommes comme nous, qui avaient été obligés de partir à la guerre.
Pour mon arrière-grand-père blessé au poumon pendant l'offensive de Champagne de 1918, être soigné par un "boche" était une humiliation et mon arrière-grand-père cherchait à recracher les médicaments donnés par le médecin-major allemand sitôt qu'il avait le dos tourné. Encore aujourd'hui, ma grand-tante se souvient de ce médecin-major qui a sauvé son père, à Ligny-Saint-Flochel...